jeudi 26 avril 2012

Réponse d’un sourisphobe non-sarkoziste à Monsieur D’Ormesson

En réponse au "message aux indécis" de l'académicien Jean D'Ormesson consultable ici et que lui transmettait une connaissance bien intentionnée (sourires), mon ami Jacques Leduc lui a répondu avec la verve et l'humour qui le caractérise, fort de sa gouaille et de ses 71 printemps, par un billet titré "sourisphobe non-sarkoziste à Monsieur D’Ormesson" que j'ai le plaisir de vous faire partager:

"Ce message de notre virtuose du pamphlet et de l’Académie, adepte sur l’âge du bling-bling intellectuel, ne s’adresse pas à moi, qui ne suis pas indécis. 
Amateur de belle prose, je goûte moins celle-ci, quoique nullement nulle et même spirituelle, que celle de son « Dieu, sa vie, son œuvre », qui m’avait bien amusé.
Merci quand même, l’ami qui m’avez transmis son message. La verve de ce vieux et honorable monsieur, si elle diffère beaucoup dans ses objets de celle d'un Stéphane Hessel, mérite d'être saluée.

Est-ce le moment idéal pour se déclarer sakozyste ? L’affirmer sous-entend que se déclarer avant n’était pas le bon moment. Pourquoi ? Soit on l’était, mais en catimini par peur peut-être des moqueries ou par regret ou honte d’avoir contribué à l’avenue du règne sarkoziste, soit on ne l’était pas et le devenir maintenant, à l’aube d’un probable nouveau règne, ne présenterait plus de risques pour le Pays. Idéal donc, car sans conséquences fâcheuses.
Sarkozy, c’est comme Capri, c’est fini, ai-je lu quelque part. Et c’est ce que semble aussi penser notre brillantissime académicien. S’affirmer sarkozyste, à présent, ne vous exposerait donc plus tant à la moquerie qu’à la compassion.
Et puis, ça pourrait servir de bonne blague entre bons amis. J’essayerai.

Si de Corrèze rien de bon (comme il avait été dit de Bethlehem) ne peut sortir - la précédente livraison n’était déjà pas à mon goût - je ne me fais pas beaucoup d’illusion sur celle dont les Français semblent en train de passer commande, beaucoup parce que faute de grives on mange des merles, d’ailleurs pas si inappétissants que ça, en tout cas moins que les mouches, dont le diable en Allemagne se satisfait dans le besoin, selon un proverbe en usage chez Madame Merkel.
Après Nicolas I, François II ne pourra heureusement pas tenir toutes ses promesses. Pour moi, celle qu’il est urgent de tenir, et même prioritairement – c’est pas cher - , serait de sortir notre République du monarchisme presque absolu dans lequel Monsieur Sarkozy nous a mis en violant la constitution de la 5ème par des abus de pouvoir. Il est vrai qu’elle ne se prémunit pas contre le viol, voire qu’elle y consent. Heureusement, nous n’aurons jamais à voir ce qu’en aurait pu faire DSK. Mais cette ‘promesse’ de redémocratisation de la République n’a pas été suffisamment à mon goût claironnée par M. Hollande. Il est prudent sans doute, quand on est près de remplacer le monarque de ne pas fermer complètement la porte de son régime, continuité oblige. Pour assurer aux gouvernants une majorité forte, impératif catégorique de la 5ème, on n’instillera donc de la démocratie, impératif optionnel,  dans la loi électorale qu’à dose de proportionnelle homéopathique.   
Quant au reste ? Qui dans la tempête peut rester toujours face au vent et progresser sans caboter un peu ?

Qu’a réussi de mieux Sarkozy ?
- A maitriser la crise, née de l’idéologie qu’il prônait ? Le pire n’est pas derrière mais devant nous ! Mais taisons les vérités, parlons d’autres choses, faisons peur à bas coût.  
- A maintenir la tête du pays (la sienne c’est déjà bien compromis !) hors de l’eau durant la crise et à sauver l’Europe et l’Euro, avec l’amie Merkel, à qui il fait des enfants dans le dos ? A-t-il pu endiguer la vague grise inéluctable du désenchantement économique que nombre de veilleurs voient arriver comme un tsunami et qui va nous faire boire la tasse ? La vague rose venant de gauche qu’on voit à l’horizon tout proche ? La vague noire du repli compulsif sur soi ?
- A mettre à genoux le FN ? Il se porte au mieux ! Dissimulé dans un Buisson comme jadis à Troie dans un cheval, il avance désormais à visage découvert. Et comment se portent les nationalismes pavloviens aux gros drapeaux bleu marine ou rouge sang, de droite comme de gauche, tentant de parquer le petit peuple dans son pré carré hexagonal ?
- A rassembler les Français ? Ils sont divisés comme peut-être jamais les Gaulois, ils ne s’écoutent plus, ne se parlent plus mais ne parlent qu’à eux-mêmes et en même temps, à la radio et sur les plateaux de télé où la supposée élite politique et journalistique déblatère et vocifère dans un brouhaha inaudible.
- A redorer le blason du pays à l’étranger ? Comme les moineaux qui picorent dans les mains du pouvoir en place le prétendent avec force pépiements après chaque coup d’éclat de leur valeureux capitaine ? Alors qu’à l’étranger on en sourit, et pas toujours poliment. Et quand on demande à nos congénères extra-hexagonaux de nous attribuer quelques adjectifs, viennent en premier lieu ‘arrogants’, ‘prétentieux’, ‘suffisants’; bien avant bons vivants et même bons amants. C’est affligeant ! C’est pourtant bien là où nous en sommes. Et qui nous y a conduits ? D’embardées à gauche en embardées à droite ? Nous avons laissé, surtout dernièrement, des égotiques et narcissiques éméchés prendre le volant. 

Ne sont pas populistes ou démagogues, M. D’Ormesson, que ceux qui trouvent que nos serviteurs de l’Etat se servent un peu trop. Et la retraite versée 10 jours plus tôt, et le permis de conduire, et la viande hallal... Sont-ce là des enjeux à la hauteur de la partie qui se joue ? Les votes qui suivent ces hochets ne sont certes pas glorieux. Pas plus que ceux qui vont du côté où ça penche. Mais à qui ont-ils le plus profité il y a 5 ans ?  Et qui ne les convoite pas aujourd’hui ?

Trainé dans la boue, dites-vous ? Oui, ce n’est pas bien. Mais combien de fois M. Sarkozy y a-t-il mis lui-même les pieds, les mains ? Dans un langage alternant de la flatterie au mépris, cru et violent en off comme parfois en public, accrochant un adversaire comme de la barbaque à un croc de boucher ou renvoyant dans les cordes un, selon lui, pauv-con. L’irrespect des autres, et ce faisant de soi-même, est-ce de la boue propre ? L’exemple vient d’en haut ; ne nous étonnons donc pas qu’il soit suivi en bas. Le pays, qu’on dit aimer pour avoir tout reçu de lui, ne mérite pas cela ! Ne mérite pas ce personnage.
Ne vous étonnez donc pas, cher Monsieur D’Ormesson, que les polis lui disent, allez-vous-en, et d’autres, suivant son exemple, le lui disent autrement !

Dans ces conditions, voter Nicolas Sarkozy sans être sarkozyste, ou François Hollande sans être PS, donc l’un ou l’autre sans être UMPS engage la morale et l’étique des démocrates. Ce n’est pas nouveau, nos présidents de la 5ème sont élus toujours au deuxième tour, presque autant donc par défaut que par vraie adhésion. Faute de grives… C’est le sort que leur fait notre Constitution et sa loi électorale, sort réservé aussi, dans la plupart des cas, à nos députés.
Voter blanc affecte moins la conscience, mais c’est frustrant. Et puis ça vous place parmi les nuls. Quel mépris !
Dans cette situation, garder un matou qu’on connaît et qu’on a vu à l’œuvre, n’est pas enthousiasmant, surtout quand les souris prospèrent et dansent.
Opter pour un chat qu’on devine isabelle - et pourtant mâle - mais qu’on ne peut encore entendre miauler que dans sa cage n’est certes pas totalement rassurant. Donc en l’absence d’un grippeminaud,  du poids de confiance et d’espérance que chacun inspire, les indécis devront faire le 6 mai la pesée. Mais ce sont les audacieux, les décidés, les plus sourisphobes qui emporteront à coup sûr notre beau pays pour une nouvelle aventure – ou embardée – sur le chemin de l’épopée des Gaules. Et l’on verra bientôt après, bien avant 2014 ou 2015, si la France tient la route ou dans quel fossé elle aura versé, celui de gauche ou celui de droite, ce qui dépend, au demeurant, du sens dans lequel on pend le chemin..."

24 avril 2012,  Jacques Leduc

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